Être autiste, entre acceptation et lassitude

Depuis ”seulement” 2 ans je me sais autiste. Et rarement j’en parle à quelqu’un. Jamais dans le cadre du travail. Ni celui de la famille. Seulement auprès de quelques amis ou copains. Et seulement lorsque je veux expliquer certains de mes comportements. Ça fait beaucoup de seulements. Et cette intériorisation n’est que renforcée par les rares expériences d’explications que je peux être amené à avancer. Car souvent, pas facile de trouver les bons mots et hors de question d’avoir à me justifier. Après une discussion sur l’autisme qui vire à la minimisation par mon interlocuteur, je préfère y mettre fin sur un bon: ”Je préfère qu’on arrête là c’est pas constructif, je pense que tu n’as pas compris!”.

Tout d’abord qu’on se le dise, j’arrive de mieux en mieux à me préserver. Je m’écoute plus. Je suis plus attentif à ma fatigue. C’est donc tout bénéfique. Je suis moins ancieux. Mais la contrepartie c’est que je deviens moins tolérant, je fais moins d’efforts. Surtout quand ces efforts me coûtent. Je sais profondément que j’ai raison de me préserver. Mais ça donne des situations pas toujours facile a gérer. J’ai toujours peur de blesser, de mal m’exprimer. Certainement car je décode mal les réponses de mes interlocuteurs. Pour simplifier, je sais me protéger mais pas toujours de manière très académique.

D’un côté je sais que je n’ai pas d’obligation à expliquer, à justifier ou à décrire mon autisme. Pas de problème, je l’accepte tel quel. Et je suis plutôt fier des ajustements que je réalise. Je tâtonne, je cherche. J’avance. Au final c’est clair que je vis mieux. Plus en adéquation avec certains de mes besoins.

Mais pourquoi un ton si mélancolique ? Et bien j’éprouve aussi une profonde lassitude. Et un peu de dépit. Tout file autour de moi, tout me secoue. J’arrive à mettre certaines barrières pour me protéger. Mais certaines fois je trouve la tâche insurmontable.

Comment dire à mes collègues de ne pas me déranger toutes les 5 minutes sans me toucher le bras? Je fais un bond à chaque fois mais rien n’y fait. Comment expliquer au médecin que je suis autiste et qu’il faut m’expliquer clairement et posément les choses? Sinon je comprends rien puis je m’inquiète. Comment dire à mon voisin de cinéma que mâcher un chewing-gum c’est bruyant?

Je donne souvent des exemples qui doivent paraître insignifiants. Certainement que je ne me focalise que sur des détails. Mais c’est leur somme qui me paraît parfois épuisante. Au final pas de souci je commence à accepter toute les facettes de mon autisme: sa face épuisante et mais aussi toutes les autres : mes sens tordus qui me procurent du plaisirs, ma manière de réfléchir épanouissante et la curiosité insatiable. Heureusement.

2 thoughts on “Être autiste, entre acceptation et lassitude

  1. Je comprends cette lassitude. Pourtant, pas (encore) de diagnostic officiel, et je pensais qu’une “validation” officielle aiderait à être pris.e au sérieux par l’entourage, mais finalement, je ne suis pas sûre que ca change quoique ce soit. Même l’entourage (famille, amis, collègues) le mieux intentionné et le plus attentif oubliera toujours nos spécificités : pour chaque personne, le monde tourne autour de son nombril, il faudra toujours rappeler aux autres nos besoins, rappeler nos intolérances, réexpliquer notre fonctionnement – d’autant plus que les personnes neuroatypiques ne représentant pas la norme majoritaire de fonctionnement, ce n’est pas naturel pour les personnes dans la norme de se rappeler qu’il existe d’autres personnes…
    Je ne pense pas qu’il existe de solution idéale, à partir du moment où on ne veut pas vivre isolé.e. Le compromis entre quand on serre les dents ou s’adapte et quand on demande aux autres un effort vers nous, et l’acceptation que pour nous atypiques, la vie sera toujours plus fatigante et exigeante que pour les autres. Mais la pensée de ce que nous apporte de positif et de singulier notre atypie (ta dernière phrase. Idem pour moi) peut aider aussi à rééquilibrer la balance, à se dire que finalement, ce n’est pas si mal d’être comme on est.
    Bon weekend de repos !

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