La solitude comme solution à la fatigue ou le besoin de disparaitre

Parfois je voudrais pouvoir disparaître pour me soustraire aux autres. Je dis bien parfois car ça n’est pas toujours le cas. Mais dans ces moments là j’éprouve un besoin immense de me rencentrer. Ça m’arrive surtout quand je suis fatigué. Le contact avec autrui m’insupporte car trop agressif. Une discussion, un bruit, un souffle ou un contact peut alors me disperser. Je fuis toute interaction.

Cette situation commence très souvent par un weekend éprouvant ou un soirée tardive avec de la fatigue qui s’accumule. Alors le lendemain c’est la catastrophe. Je suis à la ramasse. De certains diront que ça arrive à tout le monde, qu’après un dur weekend alors c’est compliqué, pour chacun. Mais dans mon cas c’est pas que c’est compliqué ou un peu plus dur. C’est catastrophique. Ça prends des proportions insensées.

Dans ces moments je n’ai plus aucun recul sur la situation que je vis. Si j’ai mal à la tête, alors j’ai mal a la tête. Juste ça rien d’autre. Si j’entends un bruit alors il m’envahit l’esprit. Si quelqu’un me touche alors je ne sens que son contact. Bref je n’ai plus aucun filtre sur les sens. Et sur les pensées c’est autant submersif. Impossible de lire, chaque pensée me traverse, tourne et retourne dans mon esprit. Je n’arrive à chasser chaque pensée qu’au prix d’un grand effort. Discuter est très difficile car je dois me focaliser sur le fil de la discussion. J’ai envie de rebondir sur chaque mot, de changer de sujet. Bref ça part dans tous les sens, et c’est envahissant.

Dans ces moments mon seul remède est la musique. Le seul. La musique avec son côté courant et répétable apaise. Immuable elle me canalise. Heureusement.

Et en plus de ce remède musical j’ai besoin de solitude. Très fort. J’ai besoin de faire tomber certains mécanismes. Les mécanismes qui analysent les sens pour les rendre supportables. Les mécanismes qui permettent l’interaction. J’ai besoin de faire tomber tout mes barrières. Afin de pouvoir me couler, seul, dans la musique. Seule solution à mon appaisement.

Être autiste, entre acceptation et lassitude

Depuis ”seulement” 2 ans je me sais autiste. Et rarement j’en parle à quelqu’un. Jamais dans le cadre du travail. Ni celui de la famille. Seulement auprès de quelques amis ou copains. Et seulement lorsque je veux expliquer certains de mes comportements. Ça fait beaucoup de seulements. Et cette intériorisation n’est que renforcée par les rares expériences d’explications que je peux être amené à avancer. Car souvent, pas facile de trouver les bons mots et hors de question d’avoir à me justifier. Après une discussion sur l’autisme qui vire à la minimisation par mon interlocuteur, je préfère y mettre fin sur un bon: ”Je préfère qu’on arrête là c’est pas constructif, je pense que tu n’as pas compris!”.

Tout d’abord qu’on se le dise, j’arrive de mieux en mieux à me préserver. Je m’écoute plus. Je suis plus attentif à ma fatigue. C’est donc tout bénéfique. Je suis moins ancieux. Mais la contrepartie c’est que je deviens moins tolérant, je fais moins d’efforts. Surtout quand ces efforts me coûtent. Je sais profondément que j’ai raison de me préserver. Mais ça donne des situations pas toujours facile a gérer. J’ai toujours peur de blesser, de mal m’exprimer. Certainement car je décode mal les réponses de mes interlocuteurs. Pour simplifier, je sais me protéger mais pas toujours de manière très académique.

D’un côté je sais que je n’ai pas d’obligation à expliquer, à justifier ou à décrire mon autisme. Pas de problème, je l’accepte tel quel. Et je suis plutôt fier des ajustements que je réalise. Je tâtonne, je cherche. J’avance. Au final c’est clair que je vis mieux. Plus en adéquation avec certains de mes besoins.

Mais pourquoi un ton si mélancolique ? Et bien j’éprouve aussi une profonde lassitude. Et un peu de dépit. Tout file autour de moi, tout me secoue. J’arrive à mettre certaines barrières pour me protéger. Mais certaines fois je trouve la tâche insurmontable.

Comment dire à mes collègues de ne pas me déranger toutes les 5 minutes sans me toucher le bras? Je fais un bond à chaque fois mais rien n’y fait. Comment expliquer au médecin que je suis autiste et qu’il faut m’expliquer clairement et posément les choses? Sinon je comprends rien puis je m’inquiète. Comment dire à mon voisin de cinéma que mâcher un chewing-gum c’est bruyant?

Je donne souvent des exemples qui doivent paraître insignifiants. Certainement que je ne me focalise que sur des détails. Mais c’est leur somme qui me paraît parfois épuisante. Au final pas de souci je commence à accepter toute les facettes de mon autisme: sa face épuisante et mais aussi toutes les autres : mes sens tordus qui me procurent du plaisirs, ma manière de réfléchir épanouissante et la curiosité insatiable. Heureusement.

De l’hypersensibilité – l’ouïe comme poids mais surtout comme plaisir

J’ai déjà commencé à parler de mon hypersensibilité dans un post sur le toucher. C’est d’ailleurs bien étrange car ce n’est pas le sens qui me fascine le plus. C’est un sens qui me procure du plaisir, parfois. C’est aussi un sens dont je me protège avec des habits aux matières qui me sont agréables. Mais c’est un sens que je stimule peu.

Non le sens qui m’est le plus sensible c’est bien mon ouïe. Afin que ce blog ne transforme pas en cours des lamentations je vais déjà décrire en quoi mon ouïe m’handicape puis je viendrai au bonheur, car il s’agit bien de bonheur, de pouvoir s’en servir.

Voilà en quoi je subis mon ouïe dans certaines situations:

  • En terme de volume. Selon les situations le volume me dérange plus au moins. Une terrasses bondée en fin de soirée devient vite un cauchemar. Par contre le son bien réglé lors d’un concert ne me dérange que peu.
  • les sons aigus. Certains sont supportables, comme des notes de guitare ou encore s’ils sont ponctuels, un bip de téléphone par exemple. Par contre lorsqu’ils sont périodiques, et qu’ils se répètent alors je suis pétrifié. Par exemple l’alarme incendie du travail qui est testée 5 minutes chaque premier mercredi du mois me plonge dans une terreur qui se prolonge bien 15 minutes après son arrêt. Lorsque l’alarme se déclenche mon cerveau est gelé. Je regarde autour de moi mes collègues qui semblent ne pas entendre. Incompréhensible. L’alarme s’arrête, je dois me mobiliser profondément pour retrouver mon calme et m’atteler à la tâche qui m’occupait 5 minute auparavant.
  • J’entends tout. Je n’ai pas de filtre comme semble en avoir les autres personnes. Assis à une grande tablée, je suis la conversation de gauche ainsi que celle de droite. Et parfois celle de derrière. Je n’ai sais plus sur quel tableau interagir. Je loupe qui dit quoi à qui. Je me retrouve lâché. Idem en open-sapce, je dois mettre mon casque audio à réduction de bruit sans quoi je me rends compte que mes collègue parle beaucoup. Pour pas grand chose en plus. Je vous laisse imaginer la file d’attente d’un stade, arrivé dans le stade je suis vidé.

Par contre un telle ouïe, associée à mon autisme, me procure de grands bienfaits. Surtout lorsque j’écoute de la musique. Et j’en écoute toute le temps. D’aussi loin que je souvienne et dès que j’ai réussi à mettre un disque dans un lecteur j’ai écouté de la musique. Fort. Longtemps. De manière compulsive. Répétitive aussi. J’en ai déjà un peu parler ici, en expliquant que j’écoutais des albums en entier pour en apprécier l’atmosphère (d’où un album dans sa globalité comme suite de chansons) tout en me focalisant sur certains détails. J’expliquais que la démarche de recherche et d’écoute était d’un côté intellectuelle mais que d’un autre côté elle était aussi apaisante car physique. C’est certainement un des plus grands cadeaux de mon autisme.

Tous les ans je me retrouve impressionné par quelques albums sur la centaine que j’écoute. Ceux qui me marquent je les ai au moins écouté 30 fois. Certains plus de 100 fois. Ça se fait naturellement, des fois sans que je le remarque. Je lève la tête un soir et je me dis, tiens cet album je viens de l’écouter 5 fois aujourd’hui, d’ailleurs je n’ai écouté que celui-ci cette semaine. Ce mois. Et le lendemain je le relance, machinalement. Mais avec le petit déclic de la veille. Et je me demande bien ce qui m’accroche. Je force un peu plus mon attention. Et là tout s’éclaire. C’est énorme. Je sens la musique. Je ressens des volumes, des formes. Certaines compressions ou certaines mélodies se dévoilent complètement, naturellement. C’est une grande source de bonheur, multiple et variée:

  • le détail sonore tant attendu jaillit. Et une sorte de suspension me saisit pendant quelques secondes. Un bonheur brut mais court.
  • la mélodie répétitive défile, elle court. Elle m’apaise car à chaque fois immuable, telle un mantra. Un bonheur intellectuel et routinier.
  • la basse tape, ronde et pleine. Elle me caresse et m’enveloppe, un bonheur plus chaud et plus diffus.

Je cultive donc mon ouïe. Les transports, le travail, mes collègues peuvent parfois l’agresser, je sais aussi en prendre soin mais j’ai surtout appris à m’en servir comme un inducteur pour m’apaiser, me reposer mais aussi m’amuser, me divertir.

Tubulences cycliques

C’est cyclique. Je me dis tout va bien. Tu gères, pas de stress. Pas de soucis. J’ai jamais eu de problèmes importants. Ni lors des études, ni de santé. Mais je suis anxieux. De moins en moins. J’ai travaillé desuss. J’ai démonté des mécanismes latents. Je serai toujours anxieux mais moins, maintenant c’est moins handicapant. Tant mieux. Bref je me dis tout va bien. Profite.

Et pourtant. Tout est dans le pourtant. Quand je cumule de grands changements ou de grandes occasions et bien je ramasse. Avant et pendant, c’est long. Et après je plonge. J’ai l’impression d’être en apnée. C’est pas facile à décrire. Je passe à un exemple pour mieux expliquer.

J’ai récemment déménagé. Deux fois. J’ai changé d’appartement. Et aussi de lieu de travail. Ça fait de nouveaux lieux à appréhender. J’ai besoin de plusieurs mois pour me sentir à l’aise quelque part. Connaître la lumière. Les odeurs. Maîtriser le chemin pour y aller. Pour le moment je suis en suspension. J’arrive pas être physiquement présent. Je touche tout du bout des doigts. Tout me surprends encore. Quel bruit va faire cette porte? Quel interrupteur allume cette lampe?

Et pour déménager il a fallu tout empaqueter. Et tout déballer. Tout à changé de place. Je reste prostré. J’ose pas chercher. Et si je cherche je ne trouve pas. Ça m’agace. D’habitude je maîtrise où sont rangés mes livres, mes habits. Là ça a changé de place. Alors je patiente. Je repousse le moment où je dois chercher. Je fais avec le minimum

Je me dis que ces situations ne sont faciles pour personnes. Mais moi je rentre en zone de turbulences, c’est que ça affecte mes habitudes. Et je me retrouve profondément déboussolé. J’ai plus de goût. Je ne lis plus. C’est quand même ce à quoi je passe mon temps deux ou trois heures par jour. Compulsivement. Alors j’erre, je regarde des vidéos sans but sur internet. J’attends. Je m’ennuie.

Je sais que c’est passager. Je sais que l’envie de me replonger dans des livres ou de la musique va revenir. Mais en attendant c’est long, un vrai passage à vide. Pas la force de lire. De discuter. Depuis que je le sais autiste c’est bien un comportement que j’ai toujours du mal à saisir. À accepter aussi.

Ton collègue autiste la veille des vacances

Au travail il y a bien une chose que je ne comprends pas c’est pourquoi venir au travail si c’est pour tirer au flanc? C’est flagrant les veilles de week-end. Et d’autant plus les veilles de vacances. C’est tellement flagrant qu’on dirait un grand jeu.

La première règle du jeu lors de ces journées est de rester à la pause café le plus longtemps possible. Mais pas trop non plus. C’est un réel travail d’équilibriste. Mais un équilibriste qui doit cacher qu’il est sur la tangente. Pour gagner du temps on en profitera pour aller nettoyer sa tasse qu’on ne nettoie jamais. Ou arroser les plantes qu’on n’arrose jamais.

Seconde règle du jeu: prendre le plus de temps possible pour manger le midi. Pour cela commencer à sonder ses collègues avant midi pour aller manger à midi. Comme si déranger ses collègues allait les faire travailler plus vite ou finir leur tâche à midi pile. Une fois à table en profiter pour traîner. Manger lentement. en racontant ses dernières vacances. Et marcher lentement pour rentrer de la cantine. Bref il s’agit de vraiment traîner ses savates. Alors qu’on est impatient de partir en vacances. Toute une contradiction…

Et enfin une fois les occasions officielles de perdre du temps épuisées, invoquer la règle du joker “dernier jour de travail”. Alors qu’on a déjà expliqué une bonne douzaine de fois: “je vais deux semaines à Quiberon … maison de famille … beau temps … plage …” ne pas hésiter à aller voir une collègue directement à son bureau pour lui raconter une énième fois la même histoire. Varier les thèmes : lieu de vacances, trajet pour y aller, personnes avec qui on part… Bref on radote.

Mais la vraie question que je me pose c’est pourquoi plus trainer le denier jour avant de partir qu’un autre jour? Au travail mes collègues et moi avons tous une montagne de travail. J’éprouve de mon côté un grand plaisir à partir avec une grande liste claire et détaillée des travaux que j’ai en cours. J’aime aussi à partir l’esprit léger avec des dossier bouclés. Je m’arrange donc pour finir certains dossier avant de partir en vacances. Pour moi les deniers jours sont synonymes d’une grande rigueur. Car partir en vacances avec des questions en suspens est très frustrant lors de mon départ.

Ces journées sont donc compliquées à gérer. D’un côté je dois clôturer un certain nombre d’actions. De l’autre des collègues me tournent autour en jouant au grand jeu du “je pars en vacances tout à l’heure”. Le pire qui puisse m’arriver lors d’une telle journée, c’est un repas au restaurant avec tous mes collègues. Je vous raconte ça dans mon prochain article.

Du réflexe de tout trier, une bibliothèque numérique

Il y a peu, lors d’une réunion de famille, durant le repas, je me suis surpris à aligner des petits objets à côté de mon assiette. Je faisait des carrés de 4 sur 4 ou 5 sur 5. Il faut dire que je m’ennuyais mortellement. Mais en m’interrogeant plus profondément, aligner ces objets me détendait. La situation de repas de famille étant particulièrement exigeant et fatigante, aligner ces objets m’a permis de reprendre mon souffle, de m’évader.

En y repensant je me suis souvenu qua j’ai toujours eu un immense plaisir à me plonger dans des “collections”. J’ai toujours collectionner des objets mais aussi des informations ou encore des anecdotes. Le but de ces collections est le plus souvent l’accumulation, la répétition plus que l’objet en lui même. Plutôt que de m’étendre voici donc un premier sujet sur ma bibliothèque numérique.

Vous trouverez ici ma bibliothèque. Elle se présente sous la forme d’une infographie et est donc virtuelle. Avec ma fâcheuse habitude à donner mes livres à mes amis, ajouté à cela ma lecture occasionnelle au format numérique il m’est difficile de maintenir une bibliothèque matérielle en bonne et due forme. Cette infographie est certes d’un côté purement égoïste et personnelle car elle ne rend compte que des livres que j’ai lu mais a d’un autre côté pour but de pousser à la curiosité et d’amener à la lecture d’ouvrages des littératures de genre (science-fiction, fantasy, policier) dont la portée spéculative et intellectuelle est importante pour notre société.

L’infographie est « dynamique » car les bulles « flottent » mais surtout parcequ’il est possible d’interagir avec les bulles. Vous pouvez « tirer » une bulle en cliquant dessus et en maintenant enfoncé le bouton de votre souris. Tirer sur une bulle de genre et l’ensemble des livres de ce genre seront déplacés. Mais vous pouvez surtout cliquer sur les rectangles à droite. L’ensemble des livres correspondant vont être mis en valeur: leur titre et auteur vont apparaître, les bulles correspondantes sont conservées et les autre bulles mises a l’écart. Ensuite en pointant une bulle, les informations du livre correspondant seront mises en valeur en agrandissant la taille des informations du livre.

Cette bibliothèque informatique est importante pour moi. Je suis toujours à la recherche de bizarreries à lire à la croisée des genres. Je les nomme OLNI (Objets Littéraires Non identifiés). Je les collectionne même. Avec cette infographie je les visualise, en jaune doré. Un premier bon point. Cette bibliothèque j’ai aussi un plaisir immense à l’organiser. A changer un livre de catégorie, à ajuster les couleurs des genres. A la regarder. Un seconde point. Et enfin cette bibliothèque me rassure. Les livres sont bien rangés, toujours à la même place. C’est rassurant. Immuable. Un dernier bon point.

De l’hypersensibilité – le toucher

Aujourd’hui, court billet sur mon sens du toucher, un pan de ma sensibilité un peu particulière. Et pour éviter l’eceuil de la plainte, je vais décrire une situtation dont je me rappelle comme incroyable et plaisante en plus de s’être déroulée à un moment plutôt éprouvant et déstabilisant.

Je me trouvais à une réunion technique à l’étranger avec des collègues étrangers du domaine dans lequel je travaille. Je partageais une table de réunion immense avec 20 personnes plus âgées, compétentes et impliquées, qui échangeaient à propos d’un sujet de recherche complexe et stimulant. Chaque intervenant prenait la parole de manière codifiée et plutôt solennelle pour amener à la discussion de nouveaux éléments auprès de ses confrères qui questionnaient ensuite l’intervenant.

À mon tour de présentation, un vide profond m’envahit comme à chaque que je dois présenter face à un auditoire. Sensation abyssale plutôt désagréable que j’arrive parfaitement à camoufler en me focalisant sur ma tâche. Je coupe tous mes sens. Je mets toute mon énergie à ma présentation. J’ai l’impression de m’evaporer. Et comme à chaque à fois lorsque cette sensation m’envahit je me met à manipuler un objet quel qu’il soit: vêtement, stylo, gobelet… Et là ce qui me tombe sous la main, c’est la table. Ou plutôt sa texture sous son plateau. Je me mets donc à effleurer ses petite strilles. Et ça me procure un sensation très agréable. Génial!

Une fois ma courte intervention terminée, on commence à me poser des questions. Je me concentre et réponds à mes collègues. Mais entre chaque question, à chaque blanc je reviens à ces petites strilles dans le bois. Quelle sensation excellente. Tellement douce. À en devenir enivrante. Entêtante.

Je suis revenu plusieurs fois au cours de la journée à cette sensation. Sorte d’échappatoire de bien-être dans un moment exigeant, agressif et très sollicitant.

Ton collègue autiste au travail – jour de neige

Dans un précédent article j’avais expliqué comment se passait pour moi une pause café au travail avec mes collègues. Pas forcément ma tasse de thé. Lors de cette pause tout un rituel se développe. Mais il peut être bafoué par certains événements exceptionnels. Pietinné par l’euphorie du groupe. On pourrait par exemple citer une victoire sportive de l’équipe nationale, la veille des vacances, ou encore dans une moindre mesure le vendredi. Mais pour cet article on prendra pour cas d’analyse le paroxysme de l’événement exceptionnel qui brise le rituel de la pause café : la neige!

Donc prenons le postulat qu’il a neigé dans la nuit. C’est beau, c’est froid et ça change le paysage. Moi j’adore la neige. Ca étouffe les bruits, ça change la lumière, bref ça stimule mes sens. Mais ça m’apaise aussi.

Mais arrivé à la pause café, la neige fait fondre tout une série de règles pourtant immuables au travail. Et là tout d’un coup j’aime moins la neige. Je commence à plus rien comprendre.

Par exemple s’il y a de la neige on a le droit de mettre des chaussures de randonnée. Pas quand il pleut. Et même qu’on peut en parler en rigolant. ”Ohlala j’ai du mettre mes après-ski ! C’est dire qu’il a neigé.” Par contre quand il fait chaud en été pas moyen de mettre des tongs. Donc l’hiver on a le droit de revendiquer son petit confort, l’été c’est mort.

Et lors de n’importe quelle discussion, encore plus à la pause café, surtout on ne discute plus que de ça. Déjà que les discussions à propos des transports sont ennuyantes, avec de la neige c’est toujours aussi ennuyant. Mais comme la neige perturbe les itinéraires, alors on parle transport encore plus. Au final on s’ennuie encore plus. C’est un engrenage vicieux!

On en profite ensuite pour ressortir la fameuse anecdote de ”Pierre qui a dormi dans sa voiture en 2006”, ”Paul qui a glissé dans sa descente de garage” et ”Jacques qui n’a pas pu venir car le train …”. Un seul mot d’ordre, répété la même anecdote d’année en année pour plus d’ennui. La répété aussi, dans le doute, à chacun de ses collègues même si les autres l’ont déjà entendue, car c’est tellement incroyable la neige!

Mais le pire c’est que que tout aurais pu rester cantonné à la pause café. Mais non encore pire! Comme il neige alors on en parle tout le temps. Vraiment tout le temps. Bigre. Votre collègue, qui soi-disant à la tête la sous l’eau à cause du nombre de dossiers qui s’empilent, va devenir un expert en conduite sur neige en pestant sur ces personnes qui ont peut de conduire sur la neige. La neige ça bloque les transports mais ça reffroidi surtout les pensées des gens. Ça les omnibule au point de les empêcher de travailler.

Et moi je comprends toujours pas pourquoi on devrait moins travailler s’il neige plutôt si c’est la canicule. Au contraire je préfère abattre des dossiers compliqués bien au chaud avec un bon pull en laine baigné de la lumière si particulière de la neige. La neige amène cette torpeur plutôt propice au travail.

Au final je travaille toujours de la même manière et je vois ces journées de neige ou de veille de vacances comme un calvaire. Les gens changent radicalement leur comportement car trop excités et moi ça me met mal à l’aise. Certainement car je décrypte mal leur excitation ou leur joie. Pas facile de partager ces moments fédérateurs qui moi me reffroidissent!

Ton collègue autiste rédige: bienfaits et méfaits de l’excès.

Lorsque j’entreprends quelque chose c’est toujours avec excès. Des fois c’est bien voire même extraordinaire, mais d’autres fois moins voire pas du tout, ça peut m’être néfaste! Mais le plus souvent c’est les deux : méfaits et bienfaits sont inexctricablement liés.

Par exemple, au travail, quand je rédige un mail ou une présentation il faut que tout soit parfait. Comprenez par là qu’il faut que les règles que je me suit fixées et aussi celles que j’ai apprises il y a 25 ans soient remplies. Elles sont rassurantes et immuables au milieu du monde du travail en perpétuel mouvement. Elles permettent de souffler car tellement immobiles, comme des statues au milieu du musée: un peu magistrales mais nécessaires dans leur équilibre.

Pour moi ce que je rédige est l’image que je renvoie aux autres. Donc pas question d’être approximatif. J’applique alors mille règles, sans possibilité d’esquive. Majuscule en début de phrase, toujours signer les mails, pas de fautes d’orthographe ou d’accords de participe, vérifier la conjugaison et la ponctuation. Une phrase un verbe et un point. Sinon ça marche mal, c’est bancal, si je ne vérifie pas tous ces points ça me frustre. Alors je le fais. Mais le pire c’est que dans mon milieu de travail ces détails ont peu voire pas d’importance. Mais je ne peux pas me résoudre à ne pas le faire. Alors oui ça me mange du temps. Beaucoup de temps parfois. Oui je vérifie des règles obscures de grammaire ou de conjugaison. Oui je relis ce que j’écris 4 à 5 fois. Mais je ne peux m’y soustraire, tout ce que j’écris aura ce niveau de détail.

Mais lorsque je dois faire un rapport technique, vous l’aurez compris, c’est propre, c’est clair et c’est soigné. Il ne manquera jamais un point en fin de phrase. Malheureusement le milieu où je travaille favorise clairement l’échange par mails rapides. On ne prends pas le temps de faire des mails propres sans oubli de ponctuation en fin de phrase! Et lorsque je lis un texte, s’il manque de la ponctuation alors je dois faire une réel effort pour comprendre. Je dois me mettre des oeillères pour bien comprendre le sens de la phrase tellement sa structure est altérée.

J’éprouve même un sorte de jalousie car je sais que je n’arriverai jamais à me détendre sur de tels sujets. J’aime trop ces règles que je dois respecter, elles me rassure. Et au final cet excès de perfectionnisme est chronophage mais c’est aussi pour moi un gage de qualité. Cette constance oscille entre une perte de temps mais aussi une capacité de rédaction immuable et droite.

Ton collègue autiste dans l’openspace ou l’éloge de bruit

Ça faisait longtemps que j’avais pas écrit un ”ton collègue autiste”. Par manque de temps mais aussi par manque d’inspiration ! Pas toujours facile de prendre de la hauteur pour arriver à mettre une dose d’humour dans mes articles. Mais il y a peu j’ai vécu ce que je considère être comme une journée noire au travail.

Laissez moi vous décrire mon lieu de travail. Un spacieux open-space avec des îlots de 4 bureaux. Je passe donc mes journées de travail avec mes 3 collègues qui sont des personnes calmes, respectueuses et n’ayons pas peur des mots agréables voire sympathiques. J’échange avec elles quelques banalités le matin à mon arrivée. Je n’ai pas grand plaisir à cette interaction trop codifiée mais mes collègues semblent apprécier mon sens de l’humour décalé. Ça doit être rafraichissant pour eux, ces petites saillies sur les banalités et les jeux de mots à enchassements. Un travail d’équilibriste ces discussions matinales. De l’écoute, de l’humour, beaucoup de concentration. Et attention à bien avoir le bon niveau de vocabulaire.

Il y a quelques jours j’arrive au travail fatigué, un peu ”migraineux” et pas forcément de bonne humeur. Et là ça été l’enchaînement. J’étais usé avant midi. Trop de bruit. Trop de monde. Trop de sollicitations sonores.

Ça a commencé avec mes collègues qui avaient leur casques en réunion en ligne. Ça fait 3 personnes qui parlent à voix haute dans un rayon de 3 mètres. J’entends donc 3 discussions. J’entends aussi ce qu’entendent mes collègues car le son des écouteurs est au max pour bien entendre à cause des autres collègues qui parlent.

Je peux filtrer mais seulement quelques minutes. Après j’explose. Du coup je vais me ballader 5 minutes. Je reviens. Je peux filtrer encore un peu. Je vais me faire un café. Je reviens. Et puis là j’attaque ma réunion. Avec mon casque. Et dans le casque plusieurs personnes qui parlent. Avec plusieurs bruits de fond d’autres discussions. Proprement démentiel. Sorte de mise en abime sonore.

Faut imaginer que mes collègues arrivent à suivre ces réunions en ligne tout en discutant avec d’autres personnes en chair et en os. Rien de plus simple. On coupe son micro. Et on garde les écouteurs. Dans ces conditions si quelqu’un me dérange je suis démuni. Je ne sais pas comment réagir. Je dois quitter une discussion en ligne déjà dur à suivre. Ensuite je dois me focaliser sur une nouvelle discussion. Tout en filtrant le brouhaha ambiant.

Passe une phase d’agacement totalement inutile. Je lance des regards noirs. Je soupire. Je m’agite. Mais j’ai pas de solutions. Je peux pas demander à l’openspace d’arrêter de travailler. Alors je me force, je me concentre.

Mais au final survient une phase d’abattement, de résignation. Souvent complétée par une grande fatigue. Alors je regarde par la fenêtre sans focaliser mon regard. Et je n’entends plus. Mon cerveau n’imprime plus. Ma journée est alors très mal embarquée. Je vous laisse imaginer en ajoutant une pause café et après une repas à la cantine.